Les AFSB vont-ils dégrader le train du quotidien ?

Les Aménagements ferroviaires au Sud de Bordeaux (AFSB) sont souvent présentés comme dissociés du GPSO, ce Grand Projet ferroviaire du Sud-Ouest contre lequel nous nous sommes maintes fois exprimés et contre lequel nous luttons avec de nombreuses associations et élus de la Gironde. Ils en font pourtant partie intégrante et soulèvent de nombreuses questions.

Article modifié le 15 mai 2023

Lors de la consultation sur le RER métropolitain ils ont été présentés comme complémentaires à celui-ci pour améliorer le train du quotidien au Sud de Bordeaux. Une étude sur la compatibilité de ces AFSB  avec les enjeux de mobilité du RER avait d’ailleurs été présentée (et votée à la quasi unanimité moins la voix de Ph. Poutou) au Conseil de Bordeaux Métropole de juillet 2021.

Le Conseil Régional Nouvelle-Aquitaine, qui a présenté les AFSB comme le moyen de « désaturer le nœud ferroviaire au sud de Bordeaux » a validé ces aménagements alors qu’il semble bien qu’ils vont dégrader le service TER sur Bordeaux-Langon au moins. La majorité des appels d’offre seront lancés en 2023. Il y a donc urgence à revoir la copie.

Les AFSB comportent différents types de travaux, pour un montant evalué à 1 milliard d’€ (estimation minimale de 2020).

Certains de ces travaux sont d’une utilité indiscutable comme des améliorations de sécurité sur des passages à niveaux, des ouvrages d’art, des rabattements de rue… Mais l’essentiel des investissements porte sur la création d’une 3ème voie entre les km 2 et 14 de la ligne Bordeaux-Agen, ainsi que sur les aménagements de la gare de Bègles et celle de St Médard d’Eyrans. Pour cette dernière gare, il ne s’agit pas de petits travaux mais de la déplacer d’1 km, avec toutes les conséquences en termes d’expropriations et de routes modifiées. On comprend pourquoi l’association LGVEA a déposé un recours pour faire annuler la prolongation de la DUP (déclaration d’utilité publique) par le préfet. L’association TransCUB a appuyé cette démarche. Et la Communauté de communes Montesquieu s’est montrée co-requérante dans ce recours.

Aujourd’hui sur les deux voies actuelles on fait circuler des TGV, des TET (trains intercités), des TER omnibus et du fret.

Le fait d’ajouter une troisième voie est mis en avant comme un progrès mais la question importante est : « un progrès pour qui ? ». Car dans les documents fournis on comprend que les TER seront cantonnés sur une seule voie, la circulation se faisant en sens alterné avec un seul train possible sur ce tronçon. Certes le dernier projet de la SNCF (SEPM 2) prévoit que les trains remontant de Langon puissent utiliser une des voies extérieures si besoin mais il n’est pas précisé sous quelles conditions et dans quelle mesure.

Pour que les TER se croisent, une 4ième voie. est prévue au droit des 4 points d’arrêt à savoir Bègles, Villenave d’Ornon, Cadaujac et St Médard d’Eyrans.

Les discours officiels (SNCF, Région) oublient de préciser que cette troisième voie n’a d’intérêt que pour la circulation du TGV. Elle est en effet conçue comme le prolongement naturel de la voie LGV Bordeaux-Toulouse et sera presque entièrement dédiée aux trains à grande vitesse en reléguant sur une voie centrale moins performante les trains du quotidien.

Car il n’y a actuellement aucune saturation des deux voies existantes comme l’affirmaient les premières études sur ce projet. Il y a aujourd’hui 96 trains (TER, TGV, Inter cité Fret) quotidiens sur Bordeaux-Langon. On peut comparer avec d’autres lignes au départ de Bordeaux, comme Bordeaux-Libourne qui va sur ensuite sur Paris. Aujourd’hui il y a 150 trains sur deux voies… et ça fonctionne.

Ce qui est une contrainte c’est le nombre d’arrêts car dès que l’on multiplie les arrêts on diminue le nombre de trains. Tous les trains sont limités sur cette portion à 160km/h mais en réduisant le nombre d’arrêts entre Bordeaux et Langon, on a pu passer de 49 à 60 TER.

Sur la troisième voie la vitesse sera limitée à 120 km/h.

Avec les AFSB il est prévu de faire circuler 54 trains A/R (108 trains au total) entre Bordeaux et Langon, dont 32 omnibus entre Bordeaux et Langon par jour (p. 136 de la pièce H du dossier GPSO).

Le TER sera relégué sur certaines portions sur une voie actuellement dédiée au frêt et moins rapide. Et il sera relégué sur une voie unique avec seulement 4 points d’arrêt disposant d’une voie supplémentaire permettant les dépassements.

De plus, selon l’étude SMA (une entreprise de consulting spécialisée) parue en mai 2021, la diamétralisation Saint-Mariens -Langon annoncée à grands frais lors de la consultation sur le RER métropolitain ne sera jamais  applicable avec les AFSB puisqu’elle ne tient pas compte de l’augmentation des temps de parcours entre Bordeaux et le km 14, liée aux AFSB.

Au final, les usagers du quotidien auront des trains moins rapides du fait du passage au tout omnibus, sans possibilité de diamétralisation.

Comment se fait-il qu’un milliard d’investissement – au bas mot – aboutissent à une telle dégradation ?

Les militants de la France Insoumise ont réuni un groupe de travail pour réfléchir sur ce dossier.

Ils ont rencontré l’association Transcub qui affirme que d’autres AFSB sont possibles notamment en abandonnant le déménagement de la gare de St Médard d’Eyrans pour créer une gare type « origine-terminus » à Beautiran. Ce type de gare permet le dépassement par les trains plus rapides des omnibus qui circulent sur la ligne sans créer une 3ème voie sur plus de 10 km (voir le site de Transcub, leur contribution à la consultation publique sur le RER métropolitain). Cette solution serait en outre nettement moins onéreuse.

Le député Loïc Prud’homme a de son côté multiplié les contacts avec les responsables politiques, et ceux de la SNCF pour avoir des éclaircissements.

Alors qu’Alain Rousset reste sourd aux inquiétudes ou aux critiques, comme il en a l’habitude, il semble urgent de suspendre les travaux de ces AFSB pour examiner de près les failles de ce projet, entièrement dédié à la LGV mais aux dépens de l’usager du train quotidien. Rappelons que la création de cette troisième voie va nécessiter  8 ans de travaux (chiffré par la SNCF) avec 10 mn de retard pour tous les trains !

Les TGV de métropole à métropole ne privilégient qu’un petit pourcentage de la population. Si par dessus le marché les autres usagers sont relégués sur des voies plus lentes avec un service dégradé, la SNCF et la Région manquent à toutes les obligations. Un service public n’a pas pour vocation d’organiser l’injustice sociale mais au contraire, de garantir l’accès de tous à des mobilités décarbonées efficaces.

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